Le reportage de Tim Verheyde, journaliste de la VRT (télévision publique belge néerlandophone), sorti la semaine sur ce mouvement nationaliste et ultra conservateur a, fort heureusement, déclenché l’indignation dans la partie flamande de notre pays. Le reportage fait en effet froid dans le dos, même quand on relativise en se disant qu’ils sont proportionnellement très peu nombreux.

Traduit en français, il a été diffusé ce mercredi 12 septembre sur la Une (télévision publique belge francophone). Il est désormais visible en ligne sur le site Auvio (jusqu’à la 44ème minute, suit ensuite un reportage intitulé Réseaux sociaux : les partis politiques vous influencent-ils?).

Profondément sexiste, raciste, homophobe, transphobe, grossophobe, antisémite : toutes les minorités y passent et toutes sont à leurs yeux inférieures et indignes de respect. Leur idéal : un homme blanc, flamand, jeune, catholique, svelte et fort, sachant se servir d’une arme à feu pour être prêt le jour où la guerre reviendra pour défendre les valeurs traditionnelles de la Flandre face au « grand remplacement »…

Le journaliste de la VRT les a suivis pendant 6 mois avec leur accord. Ce qu’il voit dans un premier temps, c’est évidemment leur face publique : jeunes, dynamiques, engagés, l’image est bien évidemment lissée. Fort heureusement un membre du groupe Schield en vrieden finira par lui révéler l’existence de groupes secrets (sur Facebook et Discord), ce qui lui permettra d’avoir accès à la face cachée et funeste de ce mouvement se présentant comme voulant simplement défendre les valeurs de la Flandre : dans ces groupes pullulent les discours de haine et les memes glorifiant Hitler et le nazisme. Point anti complotisme : c’est grâce à un de leurs membres que le journaliste a eu connaissance de ces groupes et qu’il y a eu accès : le secret ne tient jamais bien longtemps dès lors que plusieurs personnes sont impliquées.

Comme il fallait s’y attendre, depuis la diffusion du reportage ils crient aux « fake news » (voir entre autres cet article de la RTBF), alimentant l’idée que « les médias nous mentent » et qu’il est donc nécessaire de s’informer sur des sites de « réinformation », qui eux ne cachent pas la vérité… Quand le journaliste lui montre des captures d’écran de publications sur les groupes secrets, Dries Van Langenhove (à l’origine de la création du mouvement et chef de celui-ci) nie avec un aplomb incroyable en être à l’origine. Bel exemple de bullshit performatif, comme l’explique Sebastian Dieguez dans Total Bullshit! (PUF, 2018, 366p.)

Du point de vue éducation aux médias, il est intéressant de se pencher d’une part sur les stratégies utilisées pour être visibles dans les médias (traditionnels et en ligne) : le groupe étant constitué exclusivement de jeunes, ceux-ci ont une grande maîtrise de la communication sur les réseaux sociaux et sont capables de les utiliser de façon très efficace. D’autre part, il est intéressant de se pencher sur les stratégies de dissimulation -de leur nature et de leurs objectifs- mises en place pour porter leur message, avec un fossé entre l’image lisse qu’ils donnent en public et les ordures qu’ils s’échangent en privé.
Niveau stratégies, en vrac : utilisation performante de réseaux sociaux, faux profils dans des fermes à clics, astroturfing, appels à troller les opposants, vidéos sous-titrées en anglais pour assurer une portée hors des terres flamandes, médiatisation avec les autres groupes identitaires en Europe, relais médiatiques auprès de différents médias de « réinformation », etc.