Idée de réalisation avec vos élèves (ou vos copains ), dans le cadre du concours vidéo du CAV (Centre AudioVisuel Liège asbl) ou juste « pour le fun »?

Vous pouvez également participer, seul ou avec votre classe, à l’écriture collective de la Fondation SCP (« Sécuriser, Contenir, Protéger ») dont un des leitmotifs d’écriture est le confinement d’ « entités dangereuses » inspirées des Creepy Pasta. La fiction est assumée dans un mélange d’horreur et de pastiche de texte scientifique.

 

 

J’ai retranscrit les propos de la vidéo (10 min.), mais évidemment c’est sans les extraits vidéo de la capsule de l’émission BiTS (Arte), à regarder absolument! Rédacteur en chef : Rafik Djoumi Réalisation : Joseph Vasconi Production : La Générale de Production (2016)

 

(voix off) Et si les Creepy Pastas constituaient une forme de narration en soi? Recollons les morceaux ensemble.
Quand internet inspire directement les scénaristes.
Ces dernières années, « American Horror Story » enchaîne les succès en se basant sur des légendes urbaines. Et pour cette rentrée (2016), la chaîne Sci-Fi a commandé une douzaine d’épisodes de Channel Zero, un anthologie d’histoires basées sur des « Creepy Pastas ».
Le terme fait référence à ces récits horrifiques massivement partagés sur le net, « creepy » pour terrifiant et « pasta » pour le fait de copier/coller (note : « to paste » = « coller » en anglais).

(Tripoda, administrateur de Creepypasta from the crypt) La première définition qui a fait son apparition, c’est un copy/paste (« copié/collé ») effrayant. Ces blocs de texte qui étaient copiés/collés directement sur 4chan et qui se répandaient à grande vitesse. Puis est arrivé le jour où les gens s’y sont intéressés de plus en plus et des sites déviants (??? je ne suis pas sûre de bien comprendre) ont commencé à se former et à partir de ce moment-là ils ont reçu les propositions des auteurs directement.

(voix off) Le but premier des Creepy Pastas, à l’instar des hoax et autres théories du complot, est d’évoluer naturellement vers la rumeur et la légende urbaine, grâce à une narration à la 1ère personne. Il raconte une expérience vécue ou un propos rapporté par une source proche et brouille ainsi les pistes entre fiction et réalité.

(Tripoda, administrateur de Creepypasta from the crypt) Je dirais que celles qui se répandent le plus sont celles qui ont une certaine crédibilité. Ça inclut que le système de narration soit inclus dans la diégèse de l’histoire. Il n’y a rien dans l’histoire qui puisse suggérer qu’elle n’est pas réelle. C’est un petit peu un found footage mais étendu à tous les médias. On peut se passer de texte : la plupart des Creepy Pastas actuels se passent de texte.

(…) (voix off) L’exercice de la Creepy Pasta utilise donc les ressorts du transmédia à l’image du mythique Slenderman et surtout s’appuie sur un véritable processus de création collective. Il multiplie les sources et les détails réalistes dans le but d’étayer de fausses hypothèses. Tels des matchs d’improvisation censés créer une dynamique entre les participants, chaque internaute apporte sa pierre à l’édifice et enrichit l’histoire et sa crédibilité.

(Vanessa Lalo, psychologue du numérique) C’est un peu comme toutes les théories du complot, on aime bien jouer à se faire peur, mettre tout ça collectivement : plus on est de personnes à se prouver que tel ou tel détail est bizarre, plus on rentre dans une espèce d’adhérence à des théories qui mériteraient peut-être d’être justement redécryptées. Le principe Creepy Pasta c’est peut-être la même chose : on regarde tous ensemble, on joue à se faire peur, on crée une émulation de groupe. Après, ceux qui vont faire des cauchemars, ceux qui vont garder à l’intérieur d’eux toutes ces images-là c’est ceux qui sont justement ceux qui ont des conflits avec ces images-là, qui entrent en résonance avec leur fonctionnement, leurs failles, leurs problématiques. »

(voix off) Une résonance particulièrement accrue du fait de la nature de ces consommateurs, en majorité des adolescents pour qui l’exercice de la peur est une nécessité. Résurgence d’histoires inquiétantes autour du feu de camp et déclinaison réaliste des films d’horreur, la Creepy Pasta rencontre un vif succès auprès des ados. Ici la peur dépasse le cadre de la simple sensation pour revêtir un aspect social.

(Vanessa Lalo, psychologue du numérique) « L’adolescent c’est un entre-deux entre l’enfant et l’adulte donc on se cherche quand on est adolescent, on se construit. Donc on va passer par pas mal d’extrêmes on aime bien enfreindre des règles, on aime bien se dépasser et se mettre en compétition avec les autres puis appréhender le monde. Et appréhender le monde ça passe par détruire un certain nombre de symboliques, se les réapproprier et automatiquement jouer à se faire peur puisqu’on va détruire un certain nombre de symboles. « 

(voix off) Et à ce rite de passage à l’âge adulte s’ajoute la volonté d’extraire une forme de magie, même macabre, d’un monde technologique où se superposent les hyper-réalités.

(Vanessa Lalo, psychologue du numérique) « On est un peu dans ce moment entre deux où effectivement la société est désenchantée donc peut-être qu’on va chercher des réponses dans la science-fiction, dans l’imaginaire, dans ces histoires aussi qu’on se racontait oralement. Là on change complètement de tradition : on n’est plus dans cette transmission écrite, on est dans une transmission orale un peu similaire à cette histoire de coin du feu. Donc c’est aussi intéressant de regarder comment la société se réapproprie un certain nombre de codes et de voir aussi ce qu’on va en faire.

(voix off) Mettre à l’épreuve le réel en joutant à se faire peur. Les mécanismes intrinsèques de la Creepy Pasta constituent les règles d’un jeu invitant à une participation active. D’une part les auteurs, qui incarnent les game masters en établissant les limites de l’intrigue, et d’autre part les joueurs qui cherchent, comme dans les Alternate Reality Games, à résoudre l’énigme. Comme l’exemple de cette vidéo mystérieuse adressée à un blagueur suédois qui, une fois décortiquée par les internautes, dissimulait un message codé.

(Vanessa Lalo, psychologue du numérique) Je crois que finalement les gens sont très friands de ces jeux en ARG (« Alternate Reality Games »), les jeux en réalité alternative. C’est très intéressant de voir que le jeu peut rentrer aujourd’hui dans notre monde réel, de voir qu’on peut jouer sur des points de passage entre le réel et le numérique, de voir qu’on peut s’immerger dans des histoires relativement fictionnées, mais avec un degré de réalité extrêmement fort. Je crois qu’on va de plus en plus tendre vers des jeux qui mêlent comme ça les différentes réalités, que ce soit via les casques de réalité virtuelle, que ce soit via du monde numérique qui finalement entre dans notre monde réel, etc. Un bon jeu c’est un jeu qui vous fait vivre une expérience, ce n’est pas un jeu qui vous fait jouer.

(voix off) Témoin d’une société transmédiatique, la Creepy Pasta utilise naturellement tous les médias qui forment notre quotidien. Une nouvelle forme de récit pour mieux nous immerger dans le frisson renouvelé de la légende urbaine. De la littérature horrifique classique aux jeux de piste numériques en passant par la fan fiction et le canular, les Creepy Pastas font feu de tout bois, bousculent les repères et nous immergent dans une peur 2.0. Ils sont la création collective des adultes de demain, ceux qui auront la lourde charge de réinventer ce monde ».